Concilier efficacité économique et bien-être au travail : le rôle de l’acousticien préventeur

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opérateur utilisant un marteau-piqueur

L’exposition au bruit en milieu de travail reste encore insuffisamment prise en compte dans la prévention des risques professionnels. C’est pourtant une nuisance majeure qui coûte chaque année à la collectivité quelque 21 milliards d’euros. Séverin Loock qui, à l’été 2023, a rejoint l’équipe du bureau d’études Espace 9, nous donne ici sa vision du métier d’acousticien préventeur.

L’ergonomie c’est l’adaptation du travail à l’homme. Et pas l’inverse ! Par exemple, sur une ligne de production d’avions de chasse, une concentration intense est requise des opérateurs. Précision et rigueur sont de mise, mais lorsqu’un machiniste est exposé à un bruit tel qu’il ressent un inconfort, cela peut nuire à la qualité de son travail. Il est alors indispensable de trouver des solutions. Titulaire d’un master en psychologie sociale, organisationnelle et industrielle, doublé d’un master complémentaire en gestion des risques et bien-être au travail, Séverin Loock a le sens de l’Humain. Pour lui, les ressources humaines sont un axe stratégique de la performance des entreprises, mais à condition que le bien-être au travail soit au rendez-vous. D’ailleurs, parmi les multiples facettes du métier d’acousticien, ce qui lui tient le plus à cœur, c’est précisément d’améliorer le bien-être des personnes. Séverin croit en l’idée que la qualité de l’environnement sonore est un facteur prépondérant de qualité de vie, au domicile comme au travail. En milieu professionnel, l’exposition au bruit peut entraîner des surdités mais aussi se traduire par de la gêne, de la fatigue cognitive et du stress, autant de facteurs qui, à la longue, ont des conséquences sur la santé du salarié et la qualité de son travail.

Ses diplômes en poche, Séverin a travaillé 4 ans et demi comme consultant en prévention au sein d’un bureau d’études en Belgique. Il réalisait des mesures d’exposition aux bruits et vibrations liée à l’utilisation d’engins ou d’outils électroportatifs, puis décidait des stratégies d’intervention – conception de cloisons ou intervention à la source sur des équipements tels que des groupes de refroidissement. Il a aussi conduit des études de propagation acoustique dans l’environnement (sites industriels, parcs éoliens). Séverin Loock a rejoint l’agence Espace 9 Nantes-Pays-de-la-Loire. Il intervient bien sûr en soutien aux projets en acoustique de l’environnement et du bâtiment, mais il est avant tout chargé de réaliser des audits d’exposition au bruit en milieu de travail. Si l’on demande à Séverin quelle est la principale qualité requise pour exercer le métier d’acousticien préventeur, celui-ci répond sans hésiter : le sens de l’écoute. Car pour lui, l’acoustique ne se résume pas à la métrologie : il est au contraire primordial d’associer en permanence l’observation et les mesures. De fait, la recherche d’une ambiance sonore de qualité repose sur bien d’autres aspects que la seule dimension physique du bruit. Au cœur de la démarche de l’acousticien se trouve donc l’observation réelle de l’activité de travail, dans ses aspects répétitifs et quotidiens, mais aussi dans sa diversité et sa variabilité. Ces éléments de contexte sont bien sûr complétés par des mesures acoustiques ponctuelles, qui serviront à réaliser des cartographies, que l’on couplera éventuellement à des données de dosimétrie ou qui alimenteront un modèle acoustique des locaux à traiter. On le voit, pour bien cerner les problèmes et pouvoir proposer des solutions, l’exploitation de toutes ces données requiert de bonnes capacités d’analyse. Car les solutions ne se réduisent pas à prescrire les protections auditives les plus performantes qui soient. Pour la simple raison que ne plus rien entendre, c’est dangereux. Le menuisier, par exemple, a besoin d’écouter le bruit que fait son outil au contact de la matière qu’il travaille. Si ses protections auditives le coupent complètement de ces signaux d’alerte, il risque l’accident. Ses EPI devront donc avoir un SNR – Single Number Rating, soit la performance d’atténuation des équipements de protection auditive – suffisant pour le protéger contre la fatigue auditive, mais pas trop élevé pour que son sens de l’ouïe reste opérant. Certaines protections auditives ont un effet de filtre pour certaines fréquences seulement, ce qui, dans un entrepôt par exemple, permet d’entendre un chariot élévateur arriver.

Et il n’y a pas que dans les locaux industriels que l’exposition au bruit pose des problèmes. Dans le tertiaire, la qualité des ambiances sonores a, elle aussi, son importance. Séverin Loock a des chiffres à l’appui : « Les liens de causalité entre qualité de vie au travail, bruit et absentéisme sont bien connus : l’absence de bruit occupe la troisième place des critères de qualité de vie au bureau, après les relations entre collègues et la qualité de l’espace de travail. » Dans les bureaux, la principale difficulté à laquelle est confronté un acousticien quand il réfléchit à des solutions de réduction du bruit, tient au fait qu’on ne connaît pas toujours précisément quelles seront les conditions de travail réelles. L’acousticien, au début de son intervention, doit alors accepter de tâtonner, de prendre le temps de nourrir sa réflexion en analysant les situations de travail, en observant ce que vivent vraiment les travailleurs. En tout cas, nul doute que Séverin possède la polyvalence requise pour mener à bien ces missions d’audit d’exposition professionnelle au bruit, qui se situent bien au croisement de la « technique » et de « l’humain ».