En zone de bruit, toute rénovation thermique nécessitant des travaux importants doit impérativement respecter des performances acoustiques minimales. Or, nombre de rénovations énergétiques sont menées sans se soucier des conséquences acoustiques des travaux. L’intervention d’un bureau d’études acoustiques permet de hiérarchiser les priorités de traitement acoustique, de concilier exigences thermiques, acoustiques et de ventilation, et de documenter la conformité réglementaire du projet.
A l’été 2026, le décret n°2016-798 du 14 juin 2016 relatif aux travaux d’isolation acoustique en cas de travaux de rénovation importants aura atteint ses 10 ans d’existence. Ce texte, complété par son arrêté d’application en date du 13 avril 2017, constitue l’unique texte de loi qui consacre l’obligation de respecter des performances acoustiques minimales lors de travaux de rénovation d’un logement, d’un établissement d’enseignement, d’un établissement de santé ou d’un hôtel [1]. Deux conditions rendent obligatoires cette prise en compte de l’acoustique : 1. Que les travaux de rénovation soient importants ; 2. Que le bâtiment soit situé en zone d’exposition au bruit. Or, il se trouve que ce texte est assez peu connu, ce qui signifie que bon nombre de rénovations énergétiques sont menées sans se soucier des conséquences acoustiques des travaux. C’est regrettable, car il est possible, sans surcoût majeur, de mener des opérations mixtes à vocation à la fois thermique et acoustique. Réaliser une rénovation à la fois thermique et acoustique d’un bâtiment ancien a un double avantage : cela améliore le confort de vie des occupants au quotidien et, de plus, cela valorise le patrimoine du propriétaire. L’isolation acoustique constitue une attente de plus en plus forte de la part des occupants de logements anciens, qui disent souffrir de nuisances sonores au quotidien. Même en dehors des zones d’exposition au bruit, il est donc conseillé de viser une amélioration des performances acoustiques lors de travaux de rénovation.
[1] Les règlements sanitaires départementaux (RSD) ou arrêtés relatifs au bruit comportent pour la plupart une clause qui prévoit que : « Les travaux ou aménagements effectués dans les bâtiments, quels qu’ils soient, ne doivent pas avoir pour effet de diminuer les caractéristiques initiales d’isolement acoustique des bâtiments. De même, la plupart des règlements de copropriété demandent de ne pas dégrader les performances acoustiques en cas de changement de revêtements de sol ou de transformations d’équipements. Mais un RSD, un arrêté préfectoral ou municipal, ou un règlement de copropriété, ne sont pas des textes directement issus d’une loi.
Un cadre réglementaire insuffisamment connu mais juridiquement opposable
Le décret n° 2016-798 du 14 juin 2016 trouve son origine dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (TECV, 2015). Il marque une évolution majeure : pour la première fois, le législateur établit un lien explicite entre rénovation énergétique et performances acoustiques, dès lors que certaines conditions sont réunies.
Contrairement aux réglementations acoustiques applicables au neuf, ce texte s’applique exclusivement aux bâtiments existants et vise à empêcher toute dégradation de l’isolement acoustique vis-à-vis des bruits extérieurs lors de travaux lourds. Il impose, dans certains cas, une obligation de résultat, et non plus seulement de moyens.
Pour les propriétaires bailleurs, ce point est fondamental : la responsabilité du maître d’ouvrage peut être engagée si des travaux de rénovation thermique conduisent à une situation acoustique dégradée pour les occupants, en vertu du fait que la réglementation impose une prise en compte explicite du bruit.
Quels bâtiments et quels travaux sont concernés ?
Les bâtiments visés
Le décret et son arrêté d’application concernent :
- les bâtiments d’habitation, individuels et collectifs ;
- les établissements d’enseignement ;
- les établissements de santé ;
- les hôtels.
La notion clé de « travaux de rénovation importants »
La réglementation ne s’applique pas à tous les travaux. Elle est déclenchée lorsque les opérations relèvent de la catégorie des travaux de rénovation importants, définis de manière précise. Il s’agit notamment :
- des rénovations énergétiques globales soumises à la réglementation thermique « existant global » ;
- des travaux de ravalement de façade, de réfection de toiture ou d’aménagement de locaux rendus habitables, lorsqu’ils déclenchent une obligation d’isolation thermique au sens du Code de la construction et de l’habitation ;
- du remplacement ou de la création de parois vitrées, de portes donnant sur l’extérieur, ou de la réfection de toitures couvrant des pièces principales.
Sont considérés comme travaux de ravalement importants tous travaux de ravalement comprenant soit la réfection de l’enduit existant, soit le remplacement d’un parement existant ou la mise en place d’un nouveau parement, concernant au moins 50 % d’une paroi d’un bâtiment, hors ouvertures (article R173-4 du Code de la Code de la construction et de l’habitation).
Pour les toitures, les travaux de réfection concernés sont des travaux comprenant le remplacement ou le recouvrement d’au moins 50 % de l’ensemble de la couverture, hors ouvertures (article R173-5 du Code de la Code de la construction et de l’habitation).
La condition déterminante : la localisation en zone d’exposition au bruit
La seconde condition cumulative concerne la localisation du bâtiment. L’obligation réglementaire s’applique uniquement lorsque le logement est situé :
- dans une zone 1, 2 ou 3 d’un Plan de Gêne Sonore (PGS) aéroportuaire ;
- ou dans une zone de dépassement des valeurs limites de bruit identifiée par les cartes de bruit stratégiques (CBS) de type C, pour le bruit routier ou ferroviaire.
Ces zonages sont établis à partir des indicateurs européens Lden (jour-soir-nuit) et Ln (nuit), et sont consultables via les services de l’État, les préfectures, les DDT(M) ou la plateforme des données publiques françaises.
Cette étape de diagnostic territorial est déterminante : elle conditionne l’existence même de l’obligation réglementaire et doit impérativement être documentée en phase amont d’un projet.
Deux voies de conformité : exigences par éléments ou étude acoustique
L’arrêté du 13 avril 2017 offre au maître d’ouvrage deux modalités alternatives pour satisfaire aux exigences de performances acoustiques minimales : l’application d’exigences acoustiques par éléments ; le recours à une étude acoustique.
Les exigences acoustiques par éléments concernent les éléments de façade ou de toiture directement affectés par les travaux de rénovation énergétique globale et les travaux de rénovation importants.
Un point essentiel mérite d’être souligné : même lorsque seules certaines composantes du bâtiment sont traitées, les travaux ne doivent en aucun cas dégrader l’isolement acoustique existant.
L’application d’exigences acoustiques par éléments
Les performances acoustiques minimales à respecter sont définies dans l’arrêté et sont fonction de la localisation des travaux (zone 1, 2 ou 3 d’un PGS, zones de dépassement des valeurs limites d’exposition au bruit des infrastructures de transport terrestre) et du ratio de surface des éléments constitutifs de l’enveloppe qui font l’objet de travaux (parois opaques ; menuiseries extérieures ; coffres de volets roulants ; entrées d’air ; complexes de toiture).
Dans le cadre de l’application des exigences acoustiques par éléments, l’ensemble des éléments objet de travaux doivent respecter les performances correspondantes indiquées dans les tableaux de l’arrêté. Dans ces tableaux, le niveau d’exigence acoustique pour chaque élément faisant l’objet des travaux est fonction des critères suivants :
- ratio de surface des éléments par rapport à la surface au sol ;
- ou ratio de surface de la toiture par rapport à la surface au sol ;
- nombre d’entrées d’air dans la pièce considérée.
La première étape consiste à définir le niveau d’exigence acoustique en fonction de la zone d’exposition au bruit où est situé le bâtiment. L’arrêté distingue trois niveaux d’exigence acoustique visée en façade : basique (objectif d’isolement aux bruits extérieurs DnT,A,tr de 32 dB), amélioré (objectif d’isolement aux bruits extérieurs DnT,A,tr de 35 dB) et renforcé (dans ce cas, le niveau d’isolement est déterminé par une étude acoustique sur la base d’un isolement aux bruits extérieurs DnT,A,tr de 38 dB).
Ensuite, les ratios de surface des éléments par rapport à la surface au sol, le ratio de surface de la toiture par rapport à la surface au sol et le nombre d’entrées d’air déterminent les performances acoustiques Rw+Ctr ou Dn,e,w+Ctr que les éléments faisant l’objet de travaux doivent atteindre.
En dehors des situations de ratios figurant dans ces tableaux, une étude acoustique est nécessaire. De même, l’application des exigences acoustiques par éléments n’est possible que si la paroi opaque de la pièce traitée bénéficie d’une masse surfacique d’au moins 200 kg par m². En isolation par l’extérieur par exemple, le choix d’un isolant rigide peut présenter le risque de diminuer l’isolement aux bruits extérieurs lorsque le mur support offre une performance acoustique moyenne, comme c’est le cas avec les parois extérieures menuisées ou les murs creux de faible épaisseur (blocs de béton creux, briques creuses).
Le recours à une étude acoustique
L’étude acoustique se justifie particulièrement lorsqu’on souhaite optimiser les solutions techniques à mettre en œuvre sur l’enveloppe du bâtiment (façade et/ou toiture) et garantir un certain confort acoustique. L’étude pourra notamment prendre en compte l’environnement sonore spécifique du site et même différencier les solutions techniques en fonction du niveau d’exposition de chaque façade.
Une étude acoustique est obligatoire :
- pour un bâtiment situé en zone 1 du PGS ;
- en présence de façades légères (partie opaque de la façade correspondant à une masse surfacique inférieure ou égale à 200 kg/m²) ;
- lorsque les ratios (rE ou rT) sont supérieurs aux maximums indiqués dans les tableaux de l’arrêté.
L’étude acoustique permet :
- d’évaluer l’isolement acoustique initial ;
- de tenir compte des transmissions parasites et latérales ;
- d’optimiser les choix techniques en cohérence avec le projet énergétique ;
- de justifier réglementairement les solutions mises en œuvre.
Dans les opérations complexes, notamment en tissu urbain dense ou à proximité d’infrastructures de transport, cette approche constitue la seule garantie de conformité réglementaire et de performance réelle.
Les risques d’une rénovation énergétique sans approche acoustique
De nombreuses opérations de rénovation énergétique, lorsqu’elles sont conduites sans expertise acoustique, aboutissent à des situations paradoxales :
- remplacement de menuiseries performantes sur le plan thermique mais aux performances acoustiques insuffisantes ;
- ajout d’isolants thermiques dégradant l’isolement aux bruits extérieurs (peut poser un problème lorsque la masse surfacique de la paroi opaque est faible, inférieure à 200 kg/m2); ;
- multiplication de défauts d’étanchéité acoustique au niveau des coffres, grilles de ventilation ou jonctions façade/toiture.
Il est bon de rappeler que certains choix d’isolants peuvent dégrader l’isolement acoustique de plus de 5 à 10 dB.
Pour un propriétaire bailleur, les conséquences sont multiples : insatisfaction des locataires, réclamations, surcoûts correctifs ultérieurs, voire contentieux.
Pourquoi s’appuyer sur un bureau d’études acoustiques ?
L’intervention d’un bureau d’études acoustiques ne constitue pas une contrainte supplémentaire, mais un levier de sécurisation du projet.
Elle permet notamment :
- de vérifier l’applicabilité réelle du décret ;
- de hiérarchiser les priorités de traitement acoustique ;
- de concilier exigences thermiques, acoustiques et de ventilation ;
- d’optimiser les investissements en évitant des travaux inutiles ou inefficaces ;
- de documenter la conformité réglementaire du projet.
Dans un contexte où les attentes des occupants en matière de confort sonore sont de plus en plus fortes, l’acoustique devient un critère structurant de la qualité d’usage du logement.
Conclusion
Dix ans après sa publication, le décret n° 2016-798 demeure un texte central mais encore insuffisamment intégré aux stratégies de rénovation énergétique. Pour les propriétaires bailleurs, il représente pourtant une opportunité majeure : celle de transformer des opérations contraintes en projets globaux de rénovation à vocation à la fois thermique et acoustique, au service du confort des occupants et de la valorisation durable du patrimoine.
Anticiper ces exigences, s’entourer de compétences acoustiques et intégrer le bruit comme un paramètre à part entière du projet, c’est aujourd’hui un choix technique, réglementaire et stratégique.
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