
Pour réduire le bruit routier, les principes de l’acoustique de l’environnement recommandent d’agir d’abord « à la source » avant de recourir à des protections (écrans, merlons, isolation de façade). Ce guide opérationnel synthétise les leviers à fort impact — abaissement des vitesses, revêtements de chaussée à faible bruit, maîtrise du trafic, restrictions ciblées, modernisation du parc (électrification) et actions comportementales (incitation à la conduite apaisée, radars sonores) — et propose des clés de priorisation, de suivi et d’évaluation.
Le bruit routier demeure la première source d’exposition au bruit en milieu urbain. Avant d’engager des protections lourdes (écrans, merlons, isolation de façade), il est recommandé d’agir d’abord à la source, au niveau du véhicule ou de la chaussée, et en influant sur les comportements. Nous proposons dans cet article de dresser un panorama des leviers d’action que sont l’abaissement des vitesses, les revêtements de chaussée à faible bruit, l’organisation et la réduction du trafic, les restrictions de circulation, l’incitation au renouvellement du parc roulant et les actions sur les comportements, y compris via des radars sonores pédagogiques ou de contrôle. L’objectif est double : améliorer l’environnement sonore et générer des co-bénéfices en matière de sécurité, de qualité de l’air et de climat.
Pourquoi privilégier l’action à la source ?
Agir à la source consiste à diminuer l’énergie acoustique émise avant qu’elle ne se propage vers les riverains. Cette approche produit des gains perceptibles sur l’ensemble d’un linéaire et non uniquement au droit d’un seul bâtiment bénéficiant d’une protection acoustique, tout en restant cohérente avec les politiques de mobilité et les objectifs des Plans de Prévention du Bruit dans l’Environnement (PPBE). Elle optimise l’euro investi : une réduction de vitesse bien conçue, un revêtement adapté ou une meilleure gestion des flux peuvent permettre d’éviter, de retarder ou de dimensionner plus justement des ouvrages classiques de protection.
Diminuer le bruit routier : vitesse et comportements
Abaisser la vitesse maximale autorisée
À partir de 40 à 50 km/h, le bruit de roulement (contact pneu/chaussée) prend le pas sur le bruit dû à la motorisation. Réduire la vitesse maximale autorisée sur des sections sensibles — traversées d’agglomération, linéaires proches d’habitations, abords d’écoles ou d’hôpitaux, créneaux nocturnes — abaisse les niveaux sonores continus et, surtout, réduit l’intensité des pics de bruit (événements sonores qui émergent du bruit de fond). L’efficacité repose sur la lisibilité de la règle (signalisation et marquage clairs), la cohérence du plan de circulation et sur des aménagements favorisant une vitesse réelle stable (ondes vertes, giratoires adaptés, plateaux traversants).
Favoriser l’écoconduite
En milieu urbain, l’essentiel de la gêne due au bruit résulte des pics de bruit occasionnés par les véhicules très bruyants, qui ne représentent qu’une faible part du trafic, de l’ordre de 5%. Une certaine proportion de ces événements bruyants peuvent être évités par une action sur les comportements : accélérations franches, freinages brusques, sur-régimes, sont sources de pics de bruit (niveaux de bruit maximum LAmax) qui renforcent la gêne perçue. Des campagnes ciblées, des partenariats avec les auto-écoles et les entreprises de livraison, de l’affichage pédagogique, favorisent l’adoption de comportements de conduite vertueux, résumés sous l’appellation de l’écoconduite. Pour objectiver les progrès, on pourra s’intéresser au suivi de la distribution des vitesses, de la proportion d’accélérations au-dessus d’un seuil et des pics LAFmax. Les radars sonores, pédagogiques ou de contrôle, peuvent compléter le dispositif sur des axes connus pour leurs « événements émergents » (motos trafiquées, échappements modifiés, rassemblements nocturnes). Placés aux bons endroits, ils peuvent réduire la fréquence et l’intensité des dépassements sonores et indiquer où diriger les efforts d’information ou de contrôle.
Diminuer le bruit routier : réfection de chaussée par un revêtement à faible bruit
Le recours à des revêtements bitumineux à faible bruit diminue directement le contact pneu/chaussée, donc les niveaux de bruit en façade pour des vitesses moyennes à élevées. La clé est l’adéquation au contexte : nature du trafic, part de poids lourds, climat, contraintes d’entretien. Le gain acoustique est réel dès la mise en service, puis évolue avec le temps (perte d’efficacité de l’ordre de 1 dB par année d’ancienneté du revêtement) ; un programme de maintenance, notamment pour les enrobés drainants (surveillance du colmatage et de la macro-/micro-texture), prolonge l’efficacité. Les mesures avant/après (idéalement complétées par des mesures en continu du bruit de contact pneumatique-chaussée) et un suivi pluriannuel peuvent contribuer à objectiver l’intérêt de l’investissement.
Réduire ou organiser le trafic
Restrictions ciblées, itinéraires et modes de déplacement alternatifs
Réduire le trafic sur les tronçons sensibles, en particulier la nuit, a un effet bénéfique sur les niveaux de bruit liés à la circulation automobile. Tout particulièrement, les restrictions temporaires ou permanentes visant les véhicules très bruyants et le report des poids lourds sur des itinéraires adaptés, diminuent les crêtes sonores et contribuent donc à réduire la gêne des riverains. L’important est d’anticiper les reports et de les accompagner par une information claire des usagers et des professionnels. Il est également indispensable de favoriser le développement de modes de déplacement alternatifs au véhicule individuel motorisé, par la création de pistes cyclables et le développement des transports en commun. Néanmoins, la physique du son est ainsi faite que pour obtenir un gain de 3 dB(A), il faut diminuer la densité du trafic par deux ! Toutes choses égales par ailleurs, la réduction des vitesses apparait donc comme un levier plus efficace que la diminution du trafic.
Gestion dynamique et apaisement des flux
La fluidité est l’alliée du calme. La coordination des feux, l’optimisation des carrefours et la suppression des points de friction limitent le stop-and-go, source d’événements bruyants. Des aménagements d’apaisement (chicanes douces, plateaux, continuités cyclables et couloirs bus) aident à stabiliser les vitesses réelles sans pénaliser la performance globale du réseau.
Inciter au renouvellement du parc roulant
Accélérer l’électrification et le renouvellement
L’électrification des flottes de véhicules dans les collectivités — bus, bennes, logistique urbaine — fournit des gains marqués aux vitesses où le bruit de propulsion domine, c’est-à-dire jusque 40 à 50 km/h, soit plutôt en milieu urbain. En revanche, à des vitesses plus élevées, le bruit de roulement prend le relais, si bien que la modernisation des pneumatiques et la qualité acoustique de la chaussée restent donc déterminantes. Au niveau de la commande publique, lors du renouvellement d’une flotte de véhicules, des quotas minimaux de véhicules à faibles émissions (voitures ou utilitaires légers dont les émissions à l’échappement sont inférieures à 50g de CO2/km) ou à très faibles émissions (véhicules électriques ou à hydrogène) sont à respecter (articles L. 224-7 à L. 224-12 du code de l’environnement). L’adoption de clauses bruit dans les marchés publics peut compléter ces obligations réglementaires de verdissement du parc public. Les entreprises privées ont-elles aussi l’obligation d’intégrer une part minimale croissante de véhicules à très faibles émissions (VTFE) dans les renouvellements annuels effectués. Les bienfaits de l’adoption de véhicules moins polluants peuvent être maximisés par l’utilisation d’outils d’intelligence artificielle pour optimiser leur utilisation. L’intelligence artificielle permet de mieux gérer les parcours, de suivre la consommation énergétique, de mesurer les émissions de CO₂ en temps réel, pour assurer une gestion proactive des flottes.
Pour inciter les particuliers à passer à l’électrique, l’installation de bornes de recharge et des conditions d’accès privilégiées renforcent l’adoption de ce mode de mobilité décarbonée. Les collectivités peuvent bénéficier de diverses aides financières pour l’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques.
Systèmes AVAS
Depuis le 1er juillet 2021, tous les véhicules électriques neufs doivent posséder unsystème AVAS (pour « Acoustic Vehicle Alert System »). Il s’agit d’un son, de niveau compris entre 56 et 75 décibels, qui signale la présence d’un véhicule électrique ou hybride roulant entre 0 et 20 km/h. Ces systèmes doivent rester calibrés pour la sécurité des piétons sans générer de sur-exposition au bruit inutile.
Réduction du bruit routier à la source : une méthode pragmatique
Mesurer, prioriser, évaluer
La construction d’une démarche de réduction du bruit routier à la source doit suivre plusieurs étapes. La méthode débute par une phase de cartographie des expositions (Lden/Lnight) et d’identification des points noirs du bruit. Il s’agit alors de qualifier la source dominante par régime de vitesse. Vient ensuite l’étape de sélection des leviers principaux : différents scénarios (vitesse, revêtements de chaussée, trafic, restrictions de circulation, électrification, comportements) sont simulés pour estimer les gains acoustiques et les co-bénéfices (sécurité, qualité de l’air, CO₂). Une fois la décision prise, il faut alors en planifier le phasage, définir les budgets et la maintenance en cohérence avec le PPBE. Il importe aussi de réaliser des mesures acoustiques avant/après et de suivre les évolutions, afin d’être en capacité d’ajuster dans la durée. Des indicateurs simples — niveaux en façade, distribution de vitesses, fréquence des événements de dépassement du seuil radar sonore, taux de plaintes, coûts d’entretien, sinistralité — permettent de piloter l’action au plus près du terrain.
Combiner les leviers pour maximiser l’impact
Les meilleures stratégies associent plusieurs actions : un abaissement de la vitesse maximale autorisée consolidé par un revêtement à faible bruit ; un programme d’incitation à la conduite apaisée épaulé par des radars sonores ; des restrictions nocturnes pour poids lourds combinées à des itinéraires alternatifs. Cette gradation, du plus simple au plus structurant, laisse la place aux protections acoustiques passives lorsque la source ne peut être suffisamment traitée, par exemple le long d’infrastructures à très fort trafic. Dans la hiérarchie des interventions, il est conseillé d’essayer la solution « à la source » la plus simple (vitesse maximale autorisée, pédagogie), puis de monter en intensité (revêtements à faible bruit, restrictions de circulation, modernisation du parc), et ne considérer les protections passives que si nécessaire.
Budget, maintenance et acceptabilité
La réussite tient autant à l’ingénierie qu’à l’adhésion. Le coût global doit intégrer l’investissement initial et l’exploitation (entretien des revêtements de chaussée à faible bruit, contrôles, communication). L’acceptabilité repose sur la concertation, la transparence des résultats et le retour d’expérience. Les riverains plébiscitent les approches lisibles et suivies d’effets ; les usagers acceptent mieux les contraintes si la régularité des temps de parcours s’améliore et si l’information est tangible.
Foire aux questions
Un passage de 50 à 30 km/h est-il vraiment audible ?
Oui, particulièrement en urbain dense : les accélérations et les crêtes sonores diminuent, ce qui améliore nettement le confort en façade.
Les revêtements « acoustiques » conservent-ils leur performance ?
Ils sont efficaces dès la pose. Leur performance diminue avec le temps ; un programme de maintenance adapté préserve le gain acoustique.
L’électrique suffit-il à résoudre le bruit routier ?
C’est très utile à basse vitesse (inférieure à 50 km/h). Au-delà, le bruit de roulement domine. On voit que les zones 30 généralisées et les mesures visant à encourager le passage à la voiture électrique sont synergiques.
Comment Espace 9 vous accompagne
Espace 9 réalise des diagnostics ciblés sur site, des scénarios et modélisations pour estimer les gains, puis des plans d’action phasés avec indicateurs de suivi. Nous assurons les mesures avant/après et le reporting compatible PPBE, afin d’objectiver chaque décision et d’ancrer les résultats dans la durée.
Vous êtes gestionnaire d’une infrastructure routière et vous souhaitez mener une réflexion pour en réduire l’impact sonore, contactez-nous !