
En milieu scolaire, le bruit perturbe les apprentissages. Pourtant, la qualité acoustique des salles de classe est encore trop peu prise en considération. Quelques points de repère pour comprendre ce qui se joue au niveau des établissements d’enseignement, chez les élèves comme chez les professeurs, et quelles sont les solutions acoustiques à mettre en œuvre pour relever ce défi majeur du bruit dans les écoles.
La qualité acoustique dans les établissements scolaires constitue le paramètre physique qui a le plus d’impact sur les performances scolaires et sur le bien-être des enseignants. Tout d’abord, dans un environnement bruyant, la distorsion des sons peut rendre certaines parties des mots, la dernière syllabe en particulier, inintelligibles. Cela peut avoir des répercussions sur le développement du langage et sur l’acquisition de la lecture, que ce soit dans la petite enfance ou à l’école élémentaire, périodes capitales pour le développement intellectuel. Par ailleurs, une ambiance bruyante peut induire chez les enfants une modification de leur comportement : agressivité, irritabilité, agitation psychomotrice qui détériorent le climat des classes et peuvent être la source de conflits et de bagarres. Enfin, le manque de confort sonore dans les classes induit une gêne chez les professeurs, qui doivent parler plus fort, ce qui peut entraîner une fatigue vocale importante, pouvant conduire à des absences pour extinction de voix ou à du découragement. Le manque de confort sonore vient aussi affecter le bien-être des enseignants ainsi que leur perception du climat de l’établissement. Ils ressentent le climat scolaire comme plus compétitif, moins détendu et moins confortable.
La qualité acoustique à l’école : les objectifs
En acoustique des bâtiments, les niveaux de bruit et la réverbération ont une incidence sur l’intelligibilité de la parole pour les auditeurs. Dans les locaux d’enseignement, dans le cas d’enfants à l’audition normale, pour avoir une bonne intelligibilité de la parole et de bonnes conditions de communication parlée, il est nécessaire d’avoir un rapport signal sonore / bruit résiduel d’au moins + 15 dB. Dans les salles de classe, le bruit résiduel résulte des bruits générés à l’intérieur de la classe (chauffage, ventilation, bruits émis par les élèves…) et des bruits provenant de l’extérieur et des salles ou couloirs adjacents. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande de ne pas dépasser un niveau de bruit résiduel de 35 dB(A) dans une classe de classe inoccupée. Pendant des activités d’apprentissage, il ne devrait pas dépasser 50 dB(A) dans les salles de classe. Le niveau de bruit résiduel est donc le premier levier sur lequel agir.
Cependant, même en cas de niveau de bruit résiduel faible, pour ne pas dégrader le rapport signal sonore / bruit résiduel, la réverbération doit, elle aussi, être maîtrisée. Le temps de réverbération (TR[1]) ne doit pas être trop élevé (ni trop faible surtout dans le cas de salles de classe de grand volume). Si la réverbération est trop importante, les sons indésirables, comme le déplacement des chaises, le feuilletage de papiers, les chuchotements et la toux persistent plus longtemps dans la classe et font augmenter le niveau sonore.
Le temps de réverbération est fonction du volume de la salle et des propriétés d’absorption des matériaux qui y sont présents. L’Organisation mondiale de santé (OMS, 1999) recommande un temps de réverbération inférieur à 0,6 seconde en salle inoccupée. En France, l’arrêté du 25 avril 2003 relatif à la limitation du bruit dans les établissements d’enseignement impose des valeurs de durée de réverbération comprises entre 0,4 et 0,8 seconde pour des locaux d’enseignement non occupés. En condition de salle occupée, des temps de réverbération entre 0,45 et 0,5 pourraient être optimaux.
Les conséquences d’une acoustique dégradée dans les écoles
Une baisse des notes de 5 à 7 % en lecture et numération a été observée chez les élèves travaillant dans une salle de classe à l’acoustique dégradée. On retrouve aussi des conséquences délétères sur les compétences langagières, les capacités d’attention et de concentration, ainsi que de mémorisation. Ces baisses de performances s’accompagnent aussi d’une fatigue accrue chez les élèves.
Une étude réalisée en Allemagne en 2010 auprès de 398 élèves âgés en moyenne de 8,5 ans, auxquels on a demandé de réaliser une tâche de traitement phonologique, révèle que ceux évoluant dans des salles de classe à forte réverbération (TR < 1 seconde) obtiennent de moins bons résultats que les enfants évoluant dans des salles avec une réverbération optimale (TR < 0,6 seconde). Ces résultats suggèrent que l’apprentissage dans des environnements plus réverbérants, et donc plus bruyants, pourrait nuire à la perception et à la discrimination phonologique, des compétences essentielles pour l’acquisition du langage écrit (lecture, écriture).
Les tâches complexes, telles que la mémorisation ou la résolution de problèmes, sont davantage perturbées par une mauvaise acoustique que les tâches plus simples et répétitives. En effet, elles nécessitent la manipulation de nombreux éléments d’information et de connaissances, ce qui sollicite davantage les processus d’attention soutenue. Or, les capacités attentionnelles se développent lentement au fil de l’enfance et de l’adolescence. Elles permettent aux enfants de sélectionner le signal de parole cible, de le suivre dans le temps, et d’ignorer les informations pouvant constituer une distraction. Une acoustique défavorable oblige à fournir plus d’effort pour écouter, ce qui peut entraîner une baisse de la concentration et rendre le travail mental plus ardu.
Il est important de souligner que les élèves ayant des besoins éducatifs particuliers semblent être plus sensibles à une acoustique dégradée en classe. Cela inclut notamment les élèves souffrant de déficience auditive, ceux présentant des troubles du langage, des troubles de l’attention, ainsi que les élèves autistes. Les élèves qui apprennent dans une langue différente de leur langue maternelle sont également impactés.
Une étude française récente [2] portant sur 230 élèves de 6 à 7 ans s’est intéressée à l’influence de l’acoustique des salles de classe sur les apprentissages en français et en mathématiques. Les résultats ont révélé l’existence de conditions acoustiques dégradées (au-dessus des seuils préconisés en France) pour 60 % des élèves de l’échantillon.
Les solutions acoustiques pour les écoles
Étant donné les effets négatifs d’un mauvais confort acoustique sur les apprentissages des élèves, en particulier les plus vulnérables, il apparaît crucial d’agir pour améliorer cet aspect. Pour les salles de classe ne respectant pas les objectifs de confort acoustique, une intervention directe sur le bâti est nécessaire (voir à ce sujet notre article « Insonorisation des écoles : le bureau d’étude acoustique en première ligne« ). Faire appel à un acousticien permettra d’identifier les leviers prioritaires, tels que les matériaux, le volume, la configuration, le mobilier et les équipements techniques. En parallèle, des mesures axées sur les comportements en classe peuvent également être mises en place.
La qualité acoustique des restaurants scolaires
Dans les restaurants scolaires, il n’est pas rare de rencontrer durant le service des niveaux dépassant 80 dB(A) et des TR supérieurs à 2 secondes. La géométrie et le volume de la pièce jouent un rôle majeur dans la qualité acoustique des locaux de restauration scolaire. Il est préférable de privilégier plusieurs petites salles plutôt qu’une grande salle, afin de mieux contrôler les niveaux sonores. De plus, il est conseillé d’éviter les surfaces vitrées parallèles dans la mesure du possible, afin de limiter les réflexions indésirables du bruit sur ces parois. D’autres éléments jouent un rôle influent, tels que le mobilier, les couverts, le nombre d’élèves par table et la disposition des tables dans la salle de restauration. Les matériaux choisis pour garantir l’hygiène, qui doivent être lavables et lisses, ont souvent des propriétés acoustiques défavorables. Les sols des cantines, généralement carrelés pour en faciliter le nettoyage, ainsi que les tables lisses, sont des surfaces particulièrement réverbérantes. Il est donc essentiel de sélectionner soigneusement le mobilier et les couverts pour éviter d’aggraver le niveau sonore. Enfin, il convient de prendre des mesures pour réduire les nuisances sonores provenant de l’extérieur (comme la circulation routière) et les bruits internes liés aux équipements de cuisine et de vaisselle.