Habitat social : rénover pour la thermique mais aussi pour le confort acoustique

  • Post category:Actualités

Les opérations de rénovation énergétiques de l’habitat social devraient aussi viser l’amélioration de l’habitabilité des logements, en offrant un plus grand confort acoustique, une bonne qualité de l’air intérieur ainsi qu’une valorisation sociale.

Le contexte d’augmentation des coûts de l’énergie et de bouleversement climatique fait du confort thermique un enjeu majeur pour l’habitat social. Le parc existant de logements sociaux, dont les deux tiers ont été construits avant 1990, doit donc évoluer pour des raisons d’économies d’énergie. Mais pas seulement : l’enjeu du confort de vie à l’intérieur du logement est tout aussi important. Et pour que les résidents se sentent bien dans leur logement, il importe que leur tranquillité soit préservée, c’est-à-dire qu’ils soient bien protégés à la fois contre les bruits extérieurs à l’immeuble et contre les nuisances sonores de voisinage. La réhabilitation des logements doit donc permettre d’améliorer l’habitabilité du parc existant en offrant également un plus grand confort acoustique, une bonne qualité de l’air intérieur ainsi qu’une valorisation sociale. Des travaux de rénovation bénéfiques pour la qualité de vie des locataires et pour le bâti lui-même.

Les opérations de rénovation sont des actes complexes. Les logements ne sont pas toujours vides et réaliser tous les travaux simultanément nécessite une certaine anticipation. Pour déranger le moins possible les occupants, les rénovations doivent se faire sur des temps les plus courts possibles tout en apportant le maximum de performance. De plus, un nouveau critère récemment a fait son apparition : l’empreinte carbone. Si celle-ci concerne en premier lieu les bâtiments neufs, elle soulève toutefois une interrogation tout aussi valable pour la rénovation de l’habitat social. Pour mener à bien ces travaux, l’ensemble des acteurs sont concernés, à chaque étape de l’opération : conception, production, réalisation, usages et financement. Pour s’en convaincre, on pourra notamment lire le retour d’expérience d’une ambitieuse opération de rénovation menée par le bailleur social Dynacité à Ferney-Voltaire (Ain).

Obligation de faire des travaux d’isolation acoustique à l’occasion d’importants travaux de rénovation réalisés en zone de bruit

Quand un logement est situé dans une zone de forte exposition au bruit et qu’un bailleur y entreprend des travaux importants, tels que le remplacement des fenêtres ou des portes donnant sur l’extérieur, ou la rénovation d’une toiture donnant directement sur des pièces de vie, des performances acoustiques minimum sont requises (en vertu de l’Arrêté du 13 avril 2017 relatif aux caractéristiques acoustiques des bâtiments existants lors de travaux de rénovation importants). Lorsque les travaux portent sur l’isolation thermique de parois opaques donnant sur l’extérieur, ils ne doivent pas avoir pour effet de réduire l’isolement aux bruits extérieurs des pièces principales. Les logements concernés sont ceux situés : dans une zone de dépassement des valeurs limites des cartes de bruit stratégiques des infrastructures routières et ferroviaires (dite « carte C ») ; dans un plan de gêne sonore des aérodromes (PGS). Rappelons que si des travaux de ravalement de façade importants (portant sur plus de 50% de la façade) sont réalisés, les bailleurs sociaux sont dans l’obligation d’effectuer dans le même temps des travaux d’isolation thermique. Ce qui signifie, que même en cas de ravalement, tout bailleur doit s’assurer de ne pas dégrader l’isolation aux bruits extérieurs des logements. On gardera à l’esprit qu’en réalité, tous les logements sont concernés : car même en dehors des zones d’exposition au bruit des transports, le fait de ne pas prendre en compte l’acoustique peut se traduire par une dépréciation des performances existantes.

Habitat social et confort acoustique : l’isolation acoustique est-elle une obligation pour un propriétaire bailleur ?

Avant de mettre un bien immobilier en location, un propriétaire doit respecter un certain nombre d’obligations relatives à la décence du logement proposé, mais elles ne concernent aucunement le confort acoustique. Autrement dit, il n’existe, pour le bailleur, aucune obligation de rénover ou d’améliorer l’isolation acoustique du logement loué. Pour autant, le bailleur doit tout de même respecter deux obligations relatives aux nuisances sonores : informer son locataire lorsque l’immeuble est situé dans le plan d’exposition au bruit d’un aérodrome ; gérer les problématiques de bruit liées à des troubles du voisinage, le propriétaire étant contraint de veiller à la jouissance paisible du bien. Ce qui signifie que, dans les cas extrêmes, lorsque la jouissance paisible des locataires est remise en cause en raison d’une isolation acoustique médiocre, voire inexistante, il est souhaitable d’envisager ces travaux.

C’est d’ailleurs ce que confirme la jurisprudence. En décembre 2019, les époux D. ont fait assigner la société P. devant le tribunal judiciaire de Reims. Au soutien de leurs demandes, ils ont indiqué que le bailleur est responsable des troubles de jouissance qu’il cause directement mais aussi de ceux causés par d’autres personnes, notamment les autres locataires, conformément à l’article 61 de la loi du 6 juillet 1989. En appel, la Cour a confirmé la responsabilité du bailleur pour manquement à son obligation d’assurer aux locataires la jouissance paisible des lieux. Les juges ont tenu compte du constat fait par huissier que les locataires de l’immeuble se plaignaient de nuisances sonores répétées, diurnes et nocturnes, imputables à des locataires identifiés, et rappelé les nombreux courriers de réclamation envoyés au bailleur. Il est apparu que ces bruits qui pourraient être qualifiés d’acceptables dans le cadre normal de la vie en immeuble collectif, dégénéraient en nuisances sonores en raison du manque d’isolation acoustique entre les appartements, situation dénoncée par l’ensemble des locataires de l’immeuble. Or, la société bailleresse n’avait engagé aucune démarche auprès des locataires auteurs de nuisances, ni réalisé des travaux sur l’immeuble. Par conséquent, la cour d’appel a confirmé les décisions de première instance, à savoir : condamner le bailleur à leur payer 2.600 € en réparation de leur préjudice ; enjoindre le bailleur de faire cesser les troubles par tout moyen, au besoin en réalisant des travaux d’isolation phonique, en engageant des procédures de résiliation de baux contre les locataires irrespectueux de leurs obligations contractuelles ou en déposant plainte contre eux ; fixer une astreinte de 100 € par mois de retard à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la signification de la décision (Réf. : Cour d’appel de Reims, 1ère chambre civile, section instance, 6 juillet 2021, RGn° 20/01653).